L’association Tablée des chefs agit en faveur d’une alimentation saine accessible aux jeunes, un enjeu de santé publique. Poussée par l’un de ses financeurs, l’association s’est prêtée à l’exercice de la mesure d’impact. Olympia Rivière, Responsable communication de l’association, revient avec nous sur ce qui a permis d’enrichir le projet et leur communication.
Pouvez-vous nous présenter le projet ?
Notre association, La Tablée des Chefs, est une association qui éduque les jeunes à une alimentation saine et aux bases de la cuisine, et qui lutte contre la précarité alimentaire. On existe en France depuis 2013. Nous sommes une franchise sociale d’une association canadienne qui existe depuis 2002.
Notre action principale porte sur l’éducation culinaire à travers notre programme phare Les Brigades culinaires. C’’est ce programme qui a fait l’objet d’une mesure d’impact avec Impact Track.
Le programme consiste en un cycle de 10 ateliers pendant une année scolaire, menés dans des collèges principalement en réseau d’éducation prioritaire et au sein de classes SEGPA. Chaque atelier est construit autour d’une thématique appliquée à une recette (par exemple les légumineuses, les légumes, la pêche durable, le chocolat, etc.). L’idée est de pouvoir apprendre les bons gestes pour bien se nourrir et se faire plaisir avec de bonnes choses.
Ces ateliers sont animés par des chefs professionnels bénévoles, qui interviennent une fois par mois dans les collèges.
Quel a été le déclic pour vous lancer dans une démarche mesure d’impact social ?
On avait déjà l’habitude de réaliser des études d’impact, mais nous voulions nous professionnaliser et exploiter davantage nos résultats. Cela a été motivé notamment par un de nos partenaires qui souhaitait des mesures plus précises sur notre programme. Et puis, cela nous aide aussi à ajuster le programme et à en tirer des enseignements pour être toujours plus efficaces.
Aviez-vous été formées à la mesure d’impact auparavant ?
Non. En fait, on utilisait des questionnaires de satisfaction. C’est d’ailleurs à partir de ces questionnaires que nous sommes reparties pour construire la mesure d’impact.
Comment vous êtes-vous organisés autour de ce projet ?
Au départ, il y avait Murielle, la directrice, et moi, en tant que responsable communication, qui étions impliquées sur le volet plateforme Impact Track. Nous sommes partis des questionnaires élaborés par l’équipe terrain – l’équipe Eduquer, qui gère le programme dans les collèges.
Nous avons ensuite impliqué l’équipe éducation pour réfléchir avec elle aux questions et aux points que nous voulions évaluer et améliorer. Le questionnaire a été testé auprès de quatre élèves de collège : les retours étaient plutôt bons. Nous avons surtout modifié quelques éléments de vocabulaire, parfois trop élaboré pour des enfants.
Ensuite, ces questionnaires ont été envoyés aux collèges. Les professeurs, en tant que porteurs de projet, les ont fait passer aux élèves. Il a parfois été difficile d’obtenir tous les retours, car en fin d’année scolaire, avec les vacances qui approchent, certaines choses passent à la trappe. Mais nous avons quand même obtenu un bon taux de réponse, avec une marge d’erreur de seulement 5 %, ce qui est très satisfaisant.
L’équipe Eduquer a ensuite saisi les résultats sur la plateforme, et j’ai repris la main pour interpréter ces résultats et créer la page d’impact.
L’équipe Eduquer est composée de deux personnes à temps plein. Nous avons eu aussi un service civique impliqué dans l’étude d’impact et la gestion des questionnaires.
Quels enseignements tirez-vous de vos premiers résultats de mesure d’impact ?
Nous nous sommes rendu compte que, concernant les changements de comportements – qui étaient notre objectif principal –, les résultats étaient parfois un peu moins probants que ce que nous attendions. Cela nous a permis de repenser l’angle et l’objectif : au lieu de viser directement le changement de comportement, ce qui est difficile auprès d’une population très jeune qui n’est pas toujours maître de son alimentation, nous avons choisi de travailler davantage sur les aspirations.
Il s’agit de leur donner les clés pour construire leur alimentation lorsqu’ils seront jeunes adultes. C’est d’ailleurs un des grands axes de travail pour l’année prochaine : réorienter le questionnaire et notre mesure d’impact vers les aspirations des collégiens, afin de rester réalistes et en phase avec notre véritable impact.
Nous avons aussi constaté un apprentissage intéressant sur un objectif secondaire, lié aux compétences transversales. Nous avons toujours eu pour ambition de renforcer la confiance en soi. Les résultats montrent que cela fonctionne : un élève sur deux se déclare plus sûr de lui, et plus de la moitié des élèves disent être plus impliqués en classe. Ce sont leurs propres déclarations, pas celles des professeurs. Après une année d’ateliers, c’est très intéressant pour valoriser l’intégration du programme dans les établissements scolaires et son attrait pédagogique au-delà de la cuisine.
Enfin, nous avons observé que plus de 70 % des élèves partagent leurs nouvelles connaissances avec leur entourage. Cela ouvre une piste : pourquoi ne pas impliquer davantage les familles ? L’idée d’organiser des ateliers familiaux existe depuis longtemps, mais ces résultats confirment qu’il y a un vrai intérêt à creuser dans ce sens.
Qu’est-ce que la mesure d’impact vous a déjà apporté, et qu’est-ce que vous pensez qu’elle pourra encore vous apporter pour la suite ?
Elle nous a déjà apporté des résultats concrets et des apprentissages, comme ceux que je viens d’évoquer. Cela nous aide à mieux interpréter notre impact et à comprendre les effets du programme sur les jeunes.
Pour la suite, nous espérons que cela renforcera notre légitimité auprès de nos financeurs, de nos partenaires et aussi des décideurs publics et politiques. Nous voulons montrer que l’éducation culinaire est pertinente à grande échelle dans les établissements scolaires, car elle a un vrai impact sur les comportements alimentaires, les aspirations des jeunes et, à long terme, sur leur santé. Cela répond à des enjeux de santé publique largement reconnus.
Donc potentiellement, votre mesure d’impact pourrait aussi servir à des fins de plaidoyer ?
Oui, tout à fait !
Quels sont vos prochains défis, que ce soit en termes de mesure d’impact ou plus globalement au niveau de l’association ? Quelles sont les stratégies auxquelles vous pensez pour la suite ?
Notre grand enjeu aujourd’hui, c’est la montée en échelle. Nous sommes dans une phase de stabilisation avec nos établissements partenaires, mais il faut désormais réussir à nous déployer dans davantage de collèges. Cela nécessite de trouver de nouveaux financements, notamment publics.
Par exemple, dans les Hauts-de-France, nous sommes déjà présents dans 12 collèges, mais aucun financement public ne soutient ces implantations. Nous aimerions pouvoir embaucher un coordinateur régional pour renforcer notre présence et structurer le développement. Les Hauts-de-France pourraient devenir un territoire pilote.
Pour l’instant, notre modèle repose beaucoup sur les opportunités offertes par nos partenaires privés. Quand un partenaire est prêt à financer dans une région, nous nous y développons. Mais ce n’est pas viable à long terme de se déployer uniquement en fonction des opportunités ponctuelles.
Aujourd’hui, vous êtes présents sur combien de territoires ?
Nous travaillons avec 37 collèges répartis sur 12 régions. Cela représente déjà une belle présence, mais l’objectif est d’essaimer davantage. Lorsque nous avons un collège dans une région, nous essayons de développer autour. Mais cela reste coûteux en termes de matériel, de logistique et de coordination. Les collèges ne participent qu’à hauteur de 500 € par an, ce qui est une somme symbolique. Tout le reste du financement repose sur nous.
Pour terminer, auriez-vous un conseil pour des porteurs de projets qui hésitent à se lancer dans une démarche de mesure d’impact ?
Plus qu’un conseil, je dirais que c’est une vraie opportunité. La mesure d’impact permet de prendre du recul, de clarifier ses problématiques, de se recentrer sur l’objectif du programme et aussi sur la manière dont on communique autour de celui-ci.
Cela redonne un élan, de nouvelles idées et de nouveaux angles de travail. Donc je dirais qu’il ne faut pas hésiter : c’est un exercice qui enrichit à la fois le programme sur le plan opérationnel et la communication.
Si vous deviez partager une bonne pratique ou, au contraire, un écueil à éviter, qu’est-ce que ce serait ?
Je trouve que c’est très utile d’avoir à la fois une personne de la communication et un lien direct avec les équipes terrain. L’impact, c’est aussi une question d’interprétation et de communication. Dans beaucoup d’associations, ce sont surtout les équipes projets ou dirigeantes qui gèrent la mesure d’impact. Chez nous, j’ai pris le rôle de centraliser le processus, ce qui a rendu les choses plus fluides : je pouvais directement solliciter les équipes projets, leur montrer comment saisir les résultats sur la plateforme, et cela a bien fonctionné.
Pour aller plus loin
Découvrez les résultats complets de l’étude d’impact de la Tablée des chefs
(Re) découvrez la série #PartageTonImpact avec le témoignage des Foyers Invia
